Il y a une puissance qui vibre autour de moi
Né en 1944, à Washington, Lance
David Henson est Cheyenne, Oglala et Français. Son nom cheyenne est Walking
badger (Blaireau qui marche) l’animal dont il se sent le plus proche. Henson a
grandi dans une ferme en Oklahoma, élevé par son grand oncle et sa grande
tante.Il a servi dans le corps des Marines durant la guerre du Viêt-Nam.
Peu d’écrivains amérindiens sont
aussi impliqués dans les pratiques traditionnelles et cérémonielles de leur
peuple que Lance Henson. Membre de la société cheyenne des Guerrier du Chien,
de l’église des Native Americans et du Mouvement des Indiens d’Amérique
(A.I.M), il a participé à la danse du soleil à plusieurs reprises.
Henson a choisi de vivre de sa
poésie depuis plusieurs années. Il parcourt le monde, perpétuant ainsi une
tradition orale.
Si tout Henson est dans ces vers de
1988, extraits de couchers de soleil en oklahoma :
où est la
promesse qui emplit autrefois cette terre
j’ai déjà
posé cette question et depuis
j’ai appris
à vivre seul en colère
et caché
aux
frontières de l'amérique.
son style, lui, apparaît dès le
premier poème, jour d’hiver près de calumet, issu de son premier recueil.
le gel a
épaissi
sur la
grille
des nuages
gris traversent
le champ
dans le ciel
de janvier
des morceaux
de fourrure brune
sont
accrochés au bois
près de la
remise
des anciens
sont
passés là
Cette concision à saisir l’esprit
d’un lieu et d’un moment est typique de la pensée amérindienne. Certains titres
de cette poésie minimaliste, souvent libre de toute convention de ponctuation, majuscules,
rimes et pieds, inscrivent la trace de l’animal tenace auquel Henson s’est
identifié.
Le long de
l’autoroute sinueuse sur une aire de repos
[entre
Oklahoma et Tulsa.
J’ai senti
le soleil du matin au-dessus du feuillage
[d’un jeune
orme
se lever
dans les senteurs de sauge et de fleurs des
[champs.
Je m’appuie
sur mon coude.
Par-delà les
champs, le bruit des voitures et le château
[d’eau isolé
signalent la
présence d’une petite ville.
Je sors mon
couteau de dessous le sac de couchage
et le glisse
dans son fourreau, à ma ceinture.
Nous sommes
en juillet
je pense à
une tasse de café sur une table de bois
[loin d’ici.
Je regarde
en direction de l’Ouest
vers chez
moi.
*Il y a une
puissance qui vibre autour de moi (langue cheyenne)
Près du relais routier de Midway porte sur lui la poussière et la
boue des grands espaces. Mais qui sait encore reconnaître un orme, de la sauge
? Le lien qu’Henson a su sauvegarder avec son environnement naturel lui donne
la force de perdurer dans une civilisation urbaine dominée, désormais, par la
technologie et l’argent. Alors qu’il s’entretenait avec lui dans une chambre de
motel typique des motels d’Amérique, Jo Bruchac, autre grand poète amérindien,
nota que les paroles d’Henson le transportaient vers un lieu plus ancien et
plus réel que le plastique, le verre, et les cloisons de mâchefer.
En témoigne Tard l’après-midi sur
un lieu où les nazis pendirent des partisans italiens.
le long de
la rivière italienne les hiboux
dorment
maintenant
perdus dans
la lumière noire de leurs cris
à bassano
les arbres ont vieilli avec une croyance
[sacrée
passer ici
sans ressentir le vent calme
qui chante
chaque nuit
leurs pères crient à plein poumon
dans les
montagnes
chassent
avec les hiboux
ils sont
partis
paix sur
leurs dernières paroles
paix sur
vous
et moi
Comment ne pas penser à Louis Sève.
Ce dernier se destinait à la prêtrise au sein d’une Eglise qui, à la pire
époque de son histoire, s’interrogea pour savoir si les Indiens avaient une âme
ou pas. Aujourd’hui, Henson est membre de l’église des Native Americans. C’est
l’un des plus importants mouvements de renaissance spirituelle panindien. Cette
église créée en 1918, résultant de nouvelles croyances telles que la sainte
médecine, c’est à dire le culte du peyotl, un cactus hallucinogène, est
fortement imprégnée de
christianisme. Adopter la religion de l’occupant pour y perpétuer la sienne que
l’on avait interdite ? Pas seulement ! On peut deviner les affinités
culturelles d’une tradition chamanique avec l’enseignement d’un ‘‘prophète
guérisseur’’.
IMPRESSION
DU RITUEL DU PEYOLT
Oh père
céleste
bénis tes
enfants
qui
s’asseyent pendant
la lune de
la terre rouge
tournons nos
visages
regarde plus
loin que nos mots
pendant que
nous prions
donne-nous
ce qui est pur
porte-nous
jusqu’au non-dit
guéris-nous
de nos blessures
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